On est quel jour ? #34
Bienvenue en Timonie !
Ici le soleil brille !
Les oiseaux chantent
Le ciel et les nuages, dansent…
(Ça devient n’importe quoi cette chronique)
Le trajet Bourbonnie - Timonie a été fait en ambulance.
À bord, au volant il y a les deux ambulanciers.
Le passager présente sa chambre d’enfance à son collègue qui est au volant :
« Dans ma chambre, il y avait deux lits. Un à gauche, l’autre à droite »
Et son collègue de répondre : « C’étaient des lits superposés ? »
Bon. Voilà. Le ton est donné.

Je suis arrivé entier mais j’ai eu une peur bleue.
J’ai la chance avec une chambre individuelle, la télévision et ses deux chaines : Guilli et France Infos, mais pas d’internet… « Mais ça coute un bras d’avoir tout ça » me dirait Greg, qui lui, est toujours en Bourbonnie.
D’ailleurs, ça fait bizarre de ne pas voir, ce soir, les membres du club « culture & bourbon »
En Bourbonnie, les membres de ce club se réunissent régulièrement dans the place to be of Bourbonnia : La terrasse.

Ici en Timonie, la place to be ressemble à une gare routière où les fous sont tarés, et ça pue le pipi… (photo)
Mais revenons aux Bourbonniens du club « culture et bourbon ». Il y a :
Polo : Qui dort autant la nuit que le jour, sauf, qu’en journée, il se réveille toutes les 20mn pour veiller 10mn, puis re-dodo.
« Je réfléchis » nous dit-il. Mais plus sérieusement « c’est une manière de passer moins de temps ici » précise-t-il. Et c’est pas idiot.
Gégé : Il a toujours une oreille partout et l’art de la parole sans filtre avec des jeux de mots foireux et des blagues plus ou moins salaces et foireuses : « C’est quoi un gaspacho ? Un pet froid. »
Il joue tous les soirs aux cartes en ligne.
Ses adversaires sont plus jeunes que lui, alors, ils les fracassent sans peine, et surtout sans connaitre les règles du jeu ! Quel talent.
Fifi : l’homme qui met l’ambiance tout le temps, avec sa musique forte et lorsqu’il écoute une chanson, elle dure 30 secondes environ avant de la zapper. Lui aussi n’a pas sa langue dans sa poche et a adore surnommer la plupart des patients : Le chasseur (parce qu’il s’habille en vert) Blanche Neige (parce qu’il est noir) Cul de Mouche (parce qu’elle est trop maigre) Napoléon (car il a le bras gauche replié sur le ventre).
Ces surnoms n’ont rien de vache, pourtant.
Dans le collège des membres plus jeunes…
Il y a :
G : « Tu veux un orangina ? Non, je préfère du shit. Enculé. »
G a une grande gueule, mais peut aussi parler correctement comme vous et moi. Je le crois humain et proche des gens, mais ne semble pas parvenir à transmettre sa sincérité par une simple de poignée de main par exemple ?
Mais ce Connard, avec un grand C, est fan de Cacolac (il dit Coca Colac)
Il ne peut pas être mauvais.
J : « Qu’est-ce tu veux bâtard ? Va mourir, c’est pas moi". Il n’aime pas se laisser marcher sur les pieds, enfin sur le pied. Il démarre au quart de tour, pour dire qu’il existe et aime le faire savoir.
Mais il existe bel et bien. Et il pourrait en faire moins (pour -se- prouver qu’il existe et qu’il le droit d’être là), ça marcherait aussi bien.
T : Non, ce n’est pas l’intello du club, même s’il regarde des films avec des acteurs bridés dont il ne comprend pas les paroles. Mais il dispose d’un esprit fin et surtout très orienté sur la chose. Il est en manque. Mais jusqu’à quand ? « Ça ne devrait plus trop tarder, ma couille »
Vous le voyez. Des profils variés, complémentaires et extrêmement créatifs : un véritable puit de connaissances pour la Bourbonnie.
Enfin, au delà de leurs talents, j’ai été surpris par leur bienveillance envers d’autres patients plus handicapés qu’eux.
Et réellement, la bienveillance, chez eux, n’est pas un vain mot. Et ça c'est vrai.
Merci les gars.
Sur Radio Pirate de Bourbonnie, on parle du départ de Fifi.
Fifi, membre du club « culture et bourbon » aurait aimer certainement que ce club s’appelle « culture et ricard ». Il a passé plusieurs mois ici et là, mais aujourd’hui il part et rentre chez lui avec sa prothèse couleur léopard.
Il regrette le club des bourbonniens, c’est normal. « Je m’en remettrai » dit-il au micro de la radio, en ajoutant : « tous, sont des connards ». Pas tous, mais c’est pas faut.
« Michel a lui aussi quitté la Bourbonnie. » Michel ? C’est moi. Chut.
J’écoute, le récit que la radio :
Lundi : 18h : l’ASH qui sert son diner lui indique qu’il faut faire vite les valises le lendemain matin, car un nouvel entrant débarque dans la chambre.
Mardi 9h : Une autre ASH demande quand il sortait ? Dans l’après-midi ! Alors nous viendrons vers 13H30 pour faire la chambre.
Mardi 10H : Une cadre rappelle que Michel doit quitter sa chambre tout de suite. C’est le règlement : « on ne vous l’a pas dit ? » lance-t-elle à ce neuneu de Michel. « Pour votre déjeuner, vous le prendrez au restaurant collectif. Circulez. »
Au passage, Michel se souvient que le ménage n’a pas été fait lundi et que le lit n’a pas été fait dimanche et lundi.
Circulez qu’elle vous dit…
Mardi 10H30 : Michel s’exécute et part comme un pauvre sans chambre dans les couloirs de l’hôpital.
Mardi 12H20 : Le nom de Michel n’existe pas sur le listing des patients du restaurants. Il finit par y manger mais les médicaments du midi ne sont pas servis.
Heureusement que Michel a eu de l’écoute et a pu trouver ses médicaments restés à l’étage de sa chambre. Et personne sur place pour s’en inquiéter.
La radio rajoute qu’une personne dépendante aurait fait comment ?
« Que faut-il en penser ? » dit le journaliste de la radio : « Dans cette clinique, vous n’êtes qu’un numéro. Dès que celui-ci est déconnecté, vous n’êtes plus rien. Il faut rentrer de l’argent et vous, vous ne rapportez plus rien. » Salut.
« Un dysfonctionnement ? » Personne n’a répondu.
Mais cette chambre a été payée deux fois pour une seule journée : une fois par le sortant et une autre fois par l’entrant ? Personne n’a répondu…
Moi qui pensais que le respect de l’être humain était autre, qu’un numéro et une mutuelle. Les bras m’en tombent.
De toute façon, c’est bien connu, la Bourbonnie est un pays de radins ! Tout est bon pour faire raquer le pékin. Le café prend 10 centimes de plus, comme ça, du jour au lendemain…
Que la Bourbonnie est lointaine.
Mais la Timonie est-elle mieux pour autant ?
À peine arrivé dans un hôpital, on vous fait une prise de sang, c’est en fait une sorte de « bonjour, comment allez-vous ? »
18h : le diner du soir … Pas de dîner. Pas de plateau.
Les consignes de m’oublier, viennent-elles de Bourbonnie ?
Finalement diner à 20H46 : avec, tout en barquette en plastique : soupe de pistou et cabillaud… en plastique aussi…
22H00 : Les consignes : douche au produit rouge et pour demain et remise de la tenue de journée : slip en papier, bonnet de mémé et chemise cul à l’air !
Ce mercredi 8 janvier, jour de l’anniversaire de naissance de David Bowie. C’est donc en « héros » que je vais vivre cette journée.
Mercredi
0h00 : ne plus manger et boire
7h00 : réveil et nouvelle douche rouge
8h00 : le long parcours vers la salle d’anesthésie
10h30 : Opération avec dépose et pose de prothèses
À l’heure, où vous lirez ces quelques lignes passionnantes, je serai peut-être dans les bras de Morphée.
À mon réveil, je serai neuf.
Que Dieu vous prothèse (c’est une blague de Gégé) : c'est pour vous tous !
Que Dieu me prothèse. C’est pour moi.
Salut.
留言