Quel jour on est ? #36
« Chronique sabbatine n’est pas anodine, ni une routine »
Pardon, pour hier et avant hier, ma rotative gauche était coincée, l’encre de mon drain suintait très fort et les syndicats estimaient qu’il valait mieux de ne paraitre et profiter de cet incident pour ne pas travailler. Car ils sont débordés.
Débordés, ils le sont tous en Timonie, ça court partout tout le temps, nuit et jour, et même les brancardiers, qui, à mes yeux, constituent un groupe d'indépendantistes qui naviguent en fonction de leurs envies…
Pour ma radio, c’est le radiologue lui même qui est venu me chercher et qui a poussé mon fauteuil roulant.
Le brancardier n’était pas là.
Tient à la radio, le radiologue me dit : vous allez faire une radio ! Bêtement, je lui réponds : j’ai déjà fait des radios et j’en fais toujours. J’ai le sentiment que ça lui a fait sa journée. Ma réponse était pourrie, mais l’anesthésie agissait toujours dans le dedans de moi.
En Timonie, il n’y a pas de TV, ils ont seulement autorisé deux chaines, françaises : Gulli et France Infos.
Et là, quand vous regardez France Infos, on comprend mieux pourquoi cette chaine ne marche pas. Il faudra que les responsables de cette chaine s’enferment dans une chambre d’hôpital pour la regarder toute la journée …
Ils comprendraient mieux leur naufrage.
J’ai été interné à la Timone, mardi dernier et l’on a oublié de me servir à manger, en même temps, vu la qualité du manger ici…
Ce n’était pas très grave. Finalement, j’ai eu un plateau à 22H, mais je m’étais gavé de smarties avant.
Mercredi rendez-vous en salle de dodo à 8h40, mais il y a une erreur, je retourne dans ma chambre : fausse alerte ! C’est à 12H.
Je refais le long, long chemin à l’envers entre la salle d’anesthésie et ma chambre. C’est super efficace pour mesurer son taux maximal de stress.
12H15 : Les bourreaux sont de retour. Moi, j’ai gardé mon slip en papier et ma chemise cul à l’air depuis 8h30.
C’est reparti dans ce long couloir et j’atterri direct sur l’autel des sacrifices : la table d’opération.
C’est là que je rencontre Morphée. Il me tient la grappe durant plusieurs heures.
Dans le monde réel on dépose, au même moment, la prothèse provisoire pour y poser la nouvelle et définitive.
Puis, me voilà dans la salle Satan : celle où l’on vous murmure « il est l’heure »… Yeux collés, vous voilà réveillé et vous attendez qu’un brancardier viennent vous chercher, un jour, pour un retour au bercail.
Je vous passe la soirée qu’un maso aurait trouvé sublime. Pas moi. Dans le gaz jusqu’au vendredi, je me suis dis : « Michel, Lève toi et marche vers la vie »…
Ce que j’ai fait, tout cela pour aller fumer un clope devant l’hôpital… J’y suis arrivé !
Dans l’après-midi de vendredi, je change une nouvelle fois de chambre et m’installe dans une ile indépendante proche de la Timonie qui s’appelle "I H Uaï" . Prononcé Aie You Aie : Ici on cherche des bactéries et autres virus méchants.
Sur France Info, la journaliste fait une émission sur les épidémies du moment.
La journaliste qui a super bien préparé son émission :
- Docteur : virus et bactérie c’est pas la même chose ? Rassurez-moi.
- On utilise donc les antibiotiques contre les virus ?
- Ah bon, on peut se faire vacciner contre la grippe si on n’a pas 65 ans ? Moi, on m’a toujours dit ça. Il faut avoir 65 ans ou être malade. Donc je ne l’ai jamais fait ?
- Quelles sont les grandes épidémies qui nous attendent ?
Ça suffit, j’ai mal à la tête. Dans notre jargon de journaliste, ça s’appelle : « émission non préparée » et baragouinage en rappelant : « Mais pour que nos téléspectateurs comprennent bien »… Quand un journaliste dit ça, c’est que lui n’a rien compris.
Cette émission a été diffusée deux fois en deux heures.
Je passe toutes les erreurs techniques (micro non ouvert, faux plans caméra…) La maigreur des reportages alors qu’elle peut « piocher » dans la plus grande rédaction de France, celle de France 3, mais à Paris, on ne connait pas les bouseux de province.
Quand cette machine infernale finit de débiter ses infos comme un canard sans tête à 0h00.
On bascule alors sur France 24 : triste image de la France dans le monde ! Les journaux de la nuit sont éclairés à la bougie, d’une tristesse et d'un manque de vie mortel. Et puis, le journal des sports sans images de sports mais avec des photos de joueurs est un régal.
Enfin (comme il faut citer 3 chaines) sur CNEW : on va tous mourir sauvagement agressé, violé et immolé par le feu par un OQTF libre, sans dent et récidiviste.
À I HuaÏ, il y a toutes les télés et c’est plus calme.
Soudain, je m’aperçois, une nouvelle fois, que je vais dormir ailleurs.
Je me suis amusé à faire le tour de mes étapes nocturnes.
J’ai commencé en juin 2024 où je dors en Bédoulie et à l’IHU (Marseille) durant 2 mois.
Je passe une semaine à Paris, chez moi, puis je dors à l’IBIS de Nancy, Campanile (Lyon) Mama Shelter (Lille) Hilton (Bordeaux) Oceania (Marseille) Novotel (Nantes) The Hub (Toulouse).
Mes virées nocturnes continuent ensuite avec la Timone et l’IHU suivi d’un long séjour en Bourbonnie, puis retour La Timone, retour à l’IHU et bientôt retour Bourbonnie. Dans le détail, je pense avoir dormi dans un hôpital ou centre de rééducation 3 mois en 2024… et ça continue… avec un nouveau week-end à l’hosto.
Je dois l’avouer…
J’en ai marre
Et pourtant je me dis qu’on vit dans un pays formidable : ma prothèse de hanche couterait 3000 euros et sa pose au moins 8000 euros payés par la sécu. Aux Etats Unis : c’est 39 000 dollars que tu payes de ta poche !
Voilà, au moins vous aurez appris le prix d’un prothèse ! Placez le lors d’un diner.
Oh ! Y a pas de gros mots aujourd’hui ?
Non. C’est samedi, même si je salue les connards de Bourbonnie qui se reconnaitront.
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