On est quel jour ? #57 J-11
Pourquoi les vieux doivent-ils toujours en faire des tonnes sur leur état de santé ?
Pourquoi les vieux parlent toujours de leur santé et en font toujours plus, histoire d’être encore plus meurtri que l’autre vieux ?
Moi je me suis fait opérer 21 fois pour le dos, les hanches et les genoux.
Moi, j’ai reçu une décharge électrique qui m’a paralysé les deux jambes, m’a coupé les bras et je fais encore des étincelles en pétant !
...
Avec ce qu’ils ont vécu, ont-ils besoin de parler uniquement de leurs douleurs ?
Pourtant, tous sont des puits de vécus, d’histoires, d’expériences … Mais non, pour eux ce serait plutôt : « fais moi mal ». Peut-être aiment-ils ça ?
Il y a toutefois une belle personne, dans cette maison, qui défonce tous ces clichés sépias, qui aime Michel Delpech (Chez Laurette) qui colorie, décore et garde toujours un regard attentif aux autres.
Toujours soignée, impeccablement habillée, elle a de l’humour, elle sourit, elle plaisante, elle vit.
Deux membres amputés, un fauteuil roulant électrique digne d’une Ferrari, elle sillonne les couloirs diffusant son sourire permanent aux lèvres savamment maquillées.
Beaucoup devraient prendre exemple.
À 82 ans, elle est notre Patronne à tous : « La Reine Françoise de Bourbonnie. »
Chapeau Madame.
Et pendant ce temps-là, sur la terrasse…
Un patient que je ne connaissais pas parle et rit. Chaque phrase prononcée le fait rire, j’oserais dire qu’il se "rit dessus" sous les yeux ébahis de THEO.
« le soleil se couche, mais s’il n’y avait pas l’arbre, il serait encore là... hi hi hi… »
M. Hi hi hi rit de lui, puis se lance dans une anecdote "drôle" :
On m’a raconté, qu’un ouvrier avec son tractopelle avait arraché un câble électrique haute tension… Con, il a grillé ! hi hi hi ! Et comme il marchait avec des béquilles, ces dernières ont servi de prise de terre et donc le courant a mieux circulé dans le tractopelle et lui ! Hi hi hi … Il était bleu et le tracto a cramé…. Hi hi hi
THEO semble agacer par tant de finesses et d’humour, il en remue les pieds, presque, nerveusement.
ALX décide alors de relever le niveau de cette rigolade poilante et se lance pour la millième fois dans cette blague sur Mc Do.
« Chez Mc Do, ils refusent les fauteuils roulants »
« Ha bon pourquoi ? hi hi hi" demande M. Hi hi hi.
« Parce qu’il y a un con en fauteuil roulant qui n’avait pas huilé ses roues et ça faisait quick quick, en roulant »
THEO reste stoïque. Il n’a pas compris. Il se fige en pleine réflexion, se raidit (dans ce domaine, il est fort) et sa pensée est si puissante (pour trouver la clé de la blague) que son fauteuil roulant électrique chauffe. Il est dans les starting-blocks, ce qui peut être dangereux, car un départ sur deux roues arrières à 100km/h aurait pu l’envoyer dans le décor. Et certainement très loin, vue son épaisseur.
Voyant le danger venir, ALX fait baisser la pression.
M. Hi hi hi rit.
"Ce fauteuil faisant Quick Quick était en fait une publicité déguisée pour la concurrence de Mc Do, chez Mc Do"
Hi hi hi hi
THEO finit pas comprendre la blague ou fait semblant de comprendre car aussitôt, le soleil s’est couché. Il s’exprime alors avec des mots « voaarrrrrr leilso grrrrrrrr ccouhé…. Grrrrrr frrrroi moaaaaa »
« Quand arrêteras-tu de parler avec tes propres onomatopées ? »
« grrrrrrrr » répond-il, à moins que ce soit le bruit du moteur de son fauteuil ?
Hi hi hi !
L’humeur, le sourire, l’attention, le respect, la bienveillance sont des valeurs indélébiles chez certains patients de cette maison.
Elles sont naturelles, authentiques et font du bien.
En constatant cette ambiance, je dois avouer que j’ai été scié face à cet état d'esprit inspirant. « Ah bon toi aussi ? Ça ne se voit pas » me répondait un amputé, en ajoutant : « moi aussi on m’a scié (la jambe gauche) ».
Hi hi hi ! (Il est encore là, lui ?)
Cette attitude, cette autodérision, ces sourires ne doivent pas cacher certainement les moments de douleurs, de doutes et peut-être aussi d’inquiétude.
Ils ont oublié d’en parler publiquement ou de s’étaler sur leur cas, comme font les vieux.
Les plus forts : ce sont eux ! (pas les vieux, les ampu)
Ils ont un truc en moins, mais ils ont aussi un truc en plus, dans le cerveau.
Merci les ami.e.s
Bon, pour les compliments : c’est fait.
Hi hi hi … (tu vas t'en prendre une...)
Mais il faut ajouter que certains « sciés » peuvent aussi être de très gros cons.
Même si les plus intelligents sont parfois touchés, d’autres sont irrécupérables, noyés dans la bêtise humaine avec un comportement inapproprié à la vie en communauté, sans parler de celles et ceux que l’on ne voit jamais, certainement à l’article de la mort dans leur tête.
L’ami FIFI, un ancien Bourbonnien, s’est lancé, dans son nouvel antre, le défi de réveiller les morts. Et il a raison, car mourir ne soigne pas.
Meurs un autre jour.

Plus que 11 jours dans ce bordel !
Mon sommeil est perturbé. Je rêve du passé avec des morts vivants, du présent avec des vivants pas morts, et de l’avenir qui n'est pas très clair.
Perturbé que je suis, je me réveille vers 5h30 tous les jours.
6H15, je me les gèle sur la terrasse avec mon café et ma clope.
Là, je croise souvent ALX, qui lui aussi ne dort guère et se lève toujours du pied gauche.
Il est presque exécrable.
Mais je veux bien de son humeur matinale, car je suis un bon râleur du matin qui… a la chance de pouvoir se lever du pied droit. Pas lui.
Reste que pour garder le moral, un état d’esprit positif nécessite un effort considérable pour beaucoup d’entre nous (moi compris).
Cet effort se traduit souvent par des blocages mentaux : pourquoi je ne peux ou ne veux pas faire ceci ou cela ?
Qu’est-ce qui bloque ?
Qu’est-ce qui me bloque ?
Dans ce type de situation, le premier réflexe est de trouver un coupable idéal. Je peux vous donner des noms, mais vous vous apercevrez vite que cela ne suffit pas pour débloquer les blocages.
Deuxième pensée : Et si cela venait de moi ? La question est facile à dire, la réponse n’en est pas moins. (Qu’est-ce qui cloche en moi ?)
Face à ce dilemme, je reste stoïque.
Hi hi hi ! « ta gueule »
Je décide d’aller chercher de nouvelles solutions pour faire évoluer mon imaginaire, non pas vers une route pleine d’embuches, mais plutôt vers un imaginaire positif, celui qui me permettrait d’aller de mieux en mieux, en partant de l’intérieur, du dedans de moi.
Je suis tombé sur Emile Coué, pharmacien qui, au 19è siècle, avait imaginé donner à ses patients des « médicaments » placebo, en leur disant que ça irait mieux demain ! Et ces derniers se sentaient effectivement mieux !.
Il poussa sa réflexion plus loin en se disant que : si les patients avalant du placebo se sentaient mieux, c’est que dans leur tête ils sont persuadés que ce traitement est bon pour eux.
Poussons le raisonnement plus loin : Si ça va mieux et ça vient de la tête car le placebo n’y est pour rien, c’est que le mental, l’imaginaire comme il disait, joue un rôle dans le bien-être.
Et il se dit finalement, pour rester positif on pourrait répéter plusieurs fois par jour « je vais mieux », ce qui deviendra sa fameuse phrase à répéter 20 fois chaque matin : « tous les jours, à tous points de vue, je vais de mieux en mieux ».
La méthode devient reconnue mondialement.
Tombée aux oubliettes, elle revient à la mode.
Et si ça marchait ? À condition d'avoir un cerveau.
Vous avez essayé ?
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